50 ans d’indépendance : un choix culturel qui freine le développement

Le 6 juillet prochain, les Comores vont célébrer le cinquantième anniversaire de leur indépendance. C’est un moment de fierté, certes, mais également d’interrogation. En effet, au regard du bilan mitigé que le pays présente aujourd’hui, il est difficile de ne pas s’interroger sur les raisons de son retard en matière de développement. Les Comores ont-elles vraiment choisi l’indépendance ? Ou ont-elles plutôt opté pour la stagnation, et ce, non par manque de ressources, mais bien à cause d’un choix culturel et social qui privilégie des aspects festifs au détriment de la construction nationale ?


Les succès incontestables : Une indépendance intellectuelle ?


Il serait réducteur de peindre uniquement un tableau sombre. En 50 ans, les Comores ont certes réussi à faire des avancées notables dans des domaines comme l’éducation et la santé. L’Université des Comores, par exemple, a vu le jour et est devenue un symbole de la formation des Comoriens. Le personnel de l’Université est entièrement comorien, bien qu’il n’ait pas été formé localement, mais plutôt à l’étranger, ce qui montre une volonté d’indépendance intellectuelle et de développement des compétences locales pour enseigner et mener la recherche.
Le domaine médical n’est pas en reste : le pays peut désormais se targuer de disposer d’une offre de soins de plus en plus spécialisée. On recense en effet plusieurs médecins spécialistes, dont une dizaine de cardiologues, une vingtaine de gynécologues et une vingtaine de chirurgiens, sans oublier les neurologues et autres spécialistes de la santé.. Ces réussites font partie des leviers essentiels que les Comores pourraient utiliser pour avancer.


Le revers de la médaille : Crise énergétique et fuite des cerveaux


Cependant, ce qui frappe le plus lorsqu’on observe les Comores aujourd’hui, c’est l’écart grandissant entre les acquis et les besoins. Alors que le pays possède des ressources humaines compétentes, le développement matériel et économique reste désespérément faible. Le manque d’électricité persiste, entraînant une crise énergétique qui paralyse toute une économie. En général, l’absence d’électricité concerne tout le pays, ce qui empêche le développement des entreprises et des infrastructures. Ce constat a des conséquences directes sur la vie quotidienne de la population.
Parallèlement à cette crise énergétique, on assiste à une émigration importante, avec environ 500 Comoriens qui quittent le pays chaque semaine, principalement pour se soigner dans des pays voisins comme Madagascar, Maurice ou la Tanzanie. Cette fuite pour des raisons médicales met en lumière les faiblesses du système de santé comorien, mais elle ne doit pas être confondue avec la fuite des cerveaux.
La fuite des cerveaux, quant à elle, concerne principalement les diplômés et les professionnels qualifiés qui, pour des raisons économiques et sociales, choisissent de s’installer à l’étranger. De nombreux fonctionnaires, chercheurs, et autres professionnels hautement qualifiés préfèrent chercher de meilleures opportunités en Europe et ailleurs. Cette émigration ne fait que renforcer la pénurie de talents dans un pays qui en aurait tant besoin pour se développer. Cette perte de compétences compromet davantage le futur du pays et son espoir d’une transformation durable.


La danse : une obsession culturelle qui freine le progrès


Il existe une vision cynique mais malheureusement réaliste du blocage de la société comorienne, que l’on peut résumer par une question : pourquoi les Comoriens continuent-ils à se contenter d’un développement aussi bas, malgré des ressources humaines formées et compétentes ? La réponse, en grande partie, réside dans la culture des “danses” et des “folklore”, qui semble l’emporter sur les priorités de développement.


1. Les danses avant l’investissement

Lorsque l’argent est entre les mains d’un Comorien, il semble souvent que la priorité n’est pas d’investir dans la création d’une entreprise ou dans l’économie, mais bien dans l’organisation de fêtes et de danses. Cette obsession des festivités semble avoir pris une telle ampleur qu’il est devenu plus important de dépenser une fortune pour faire danser les gens que de penser à investir dans des projets structurants et durables.


2.  Les réunions familiales et les danses

Lorsqu’un Comorien organise une réunion familiale, ce n’est pas pour aider un membre de la famille à sortir de la pauvreté, mais pour organiser des danses et des célébrations, parfois sur fond de grande dépense, sans souci pour l’avenir.


3. Les détournements pour faire danser les gens

Pire encore, dans certains cas, il est permis à des individus de voler des fonds publics ou de détourner de l’argent, tant que cette somme est utilisée pour organiser de grandes festivités. Cela crée un cercle vicieux où le développement devient secondaire, et les besoins réels de la population sont ignorés au profit de spectacles qui ne mènent à rien.


4.  L’absentéisme des fonctionnaires
Les fonctionnaires comoriens, au lieu de se concentrer sur leurs responsabilités professionnelles, prennent des congés pour participer à des danses au village. Ce phénomène témoigne d’une certaine dérive où le plaisir immédiat et collectif est préféré au travail quotidien, pourtant essentiel au progrès du pays.


5.  Les funérailles publiques
Enfin, il est étrange de constater qu’un Comorien peut manquer d’argent pour soigner un membre de sa famille, mais dès que ce dernier décède, il trouve rapidement les fonds nécessaires pour organiser des funérailles somptueuses, avec des festivités en grande pompe.


Les priorités inversées : où va l’argent public ?


Le problème va au-delà de ces comportements individuels. Le gouvernement comorien lui-même semble accorder une plus grande importance à des événements grandioses qu’à des investissements structurels dans des secteurs fondamentaux. Plutôt que d’injecter des millions dans la construction d’hôpitaux modernes ou dans le financement d’institutions comme l’Université des Comores, les autorités préfèrent allouer des ressources colossales à des événements folkloriques. En d’autres termes, l’argent public ( et cela depuis l’indépendance) est plus souvent utilisé pour satisfaire des envies collectives liées à la danse que pour combler les besoins urgents du pays en matière d’infrastructures, d’éducation et de santé.


Un choix fatal

 

Les Comores auraient pu devenir un pays émergent, voire un modèle en matière de développement, si elles avaient su faire les bons choix. Avec des ressources humaines exceptionnelles, un pays bien situé géographiquement, et une population qui a soif d’évoluer, il y avait pourtant tout pour réussir. Mais les Comoriens ont choisi, consciemment ou inconsciemment, de privilégier les festivités et les danses plutôt que l’investissement dans leur propre avenir.


Le message est clair : tant que le pays continuera à investir dans des réjouissances éphémères et à se contenter de danses, il ne pourra jamais décoller. Ce n’est pas un manque de ressources ou d’intelligence qui bloque les Comores, mais bien une priorité culturelle qui les empêche de bâtir un avenir meilleur pour les générations futures. Il est grand temps de remettre le développement au centre de l’agenda, car sinon, les Comores risquent de continuer à tourner en rond pour les 50 prochaines années.

3 thoughts on “50 ans d’indépendance : un choix culturel qui freine le développement”

  1. MBAE Abdoulhafour

    💡 1. Une indépendance encore incomplète ?

    L’indépendance formelle des Comores, acquise en 1975, n’a pas été accompagnée d’une transformation en profondeur du système de gouvernance, ni d’une rupture significative avec les modèles de dépendance économique :

    Dépendance aux aides étrangères

    Manque d’investissements structurants

    Instabilité politique chronique

    Ce qui donne parfois l’impression que la colonisation a simplement changé de forme, avec des élites locales parfois plus préoccupées par le maintien de leur pouvoir que par un projet national de développement.

    📚 2. L’éducation comme fondation négligée

    On peut pointer le doigt sur un déséquilibre courant dans les pays Africains plus précisément mon pays.

    > Une surreprésentation des filières littéraires au détriment des sciences, de la technologie, et de l’ingénierie.

    Alors que dans les pays développés, les filières STEM (Sciences, Technologies, Ingénierie, Mathématiques) sont la base de la croissance et de l’innovation. Ce manque de formation technique entraîne :

    Une faible capacité locale à concevoir des solutions adaptées aux besoins (énergie, infrastructures, agriculture, etc.)

    Une dépendance continue aux compétences étrangères

    Une difficulté à industrialiser l’économie

    ⚙️ 3. Université = levier pour le développement

    Pour conclure “Tout se résume par l’organisation de l’éducation universitaire.” Une université bien pensée devrait :

    S’aligner sur les priorités stratégiques nationales (énergie, alimentation, santé, infrastructures, numérique…)

    Former non seulement des diplômés, mais des bâtisseurs de solutions

    Encourager la recherche appliquée locale et l’innovation

    Développer des liens avec les entreprises locales et régionales

    ✅ Et maintenant ? Quelles perspectives ?

    Pour que l’indépendance ait un sens concret, plusieurs axes sont indispensables :

    1. Redéfinir les priorités éducatives

    2. Créer une vraie politique de recherche et développement

    3. Investir dans des infrastructures de formation technique

    4. Mobiliser la diaspora comme ressource intellectuelle

    5. Assainir la gouvernance pour garantir une vision à long terme.

  2. Fahadi YOUSSOUF

    Des écrits qui résonnent avec force et lucidité. Ils interpellent celles et ceux animés par une réelle volonté de changement, de transformation des mentalités et des comportements. Toutefois, les individus prisonniers d’une cécité existentielle — non pas de la vue, mais de la vie — persistent à se conformer à des modèles imposés, au détriment même de leur propre bien-être, de leur dignité et de leur avenir.

    Les Comores, hélas, apparaissent encore comme un joyau en façade : éclatant à l’extérieur, mais profondément meurtri à l’intérieur. Une nation blessée dans son âme, fragilisée par des décennies de renoncements, de compromis stériles et d’immobilisme collectif.

    Et pourtant, tout cela se déroule sous nos yeux. Le peuple, dans son ensemble, place encore son espoir dans une simple phrase devenue presque un réflexe culturel : Incha Allah. Une expression noble dans son essence, mais souvent réduite à un fatalisme résigné. Peu sont ceux qui, avec lucidité et courage, réalisent qu’il est temps de réorienter leurs priorités personnelles, de se fixer des objectifs concrets, et d’agir pour les atteindre. Car rester figé dans un système qui tourne en rond, qui entretient la dépendance, et qui mène trop souvent à l’échec, ne fait que renforcer la paralysie nationale.

    Le véritable changement commence par une prise de conscience individuelle, suivie d’un engagement collectif. Il ne suffit plus d’espérer ; il faut oser penser autrement, agir autrement, et redonner à chaque citoyen les moyens de rêver, mais surtout de construire.

  3. les Comores sont un État indépendant sur le papier, mais leur indépendance est souvent remise en question par des réalités internes et externes.

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