Je suis, tout comme nombreux fils spirituels du Professeur Boubacar LY, attristé par la mort de notre Professeur et guide adoré.
Professeur BoubaKar LY, mort le lundi 14 octobre 2019 à Dakar, était un grand scientifique et un homme extraordinaire, dont le travail vivra encore de nombreuses années. Philosophe à l’origine, à l’image de Montesquieu et d’August Comte, Boubacar LY est devenu l’icône de la sociologie africaine et cela à travers ses nombreux écrits, ses études variées mais aussi et surtout son engagement dans un continent où la sociologie- jugée subversive par les pouvoirs- était, et reste encore, pour les politiques, l’ennemi à abattre.
En classe, Boubacar LY aimait citer August comte « Nul ne possède d’autre droit que celui de toujours faire son devoir », une formule qu’il a non seulement comprise mais également intériorisée. De la Licence au DEA, j’ai eu droit à au moins deux heures de cours magistral par semaine de celui dont les étudiants appelaient affectueusement « Pa Ly ». Et ma curiosité, ainsi que mon attachement à l’homme m’ont permis de noter que « Pa Ly » ne s’est jamais absenté, ni être venu en retard. Toujours à l’heure. Il se voulait exemplaire et nous pouvons parler d’un pari réussi.
Avant de me rencontrer en 2002 comme étudiant en Licence (3), Pa Ly ne connaissait pas grande chose de mon pays, les Comores, situé dans l’Océan indien, a-t-il reconnu. Et c’est à l’issue de quelques échanges qu’il prendra le temps de me parler de sa thèse de doctorat qui a porté sur « l’honneur et les valeurs morales dans les sociétés wolof et toucouleur du Sénégal » parce qu’il trouvait des ressemblances entre les deux sociétés : wolof et comorienne, l’honneur étant le point le plus dominant. J’aurai d’ailleurs l’honneur de lire sa thèse et cela sans sauter des pages.
La lecture de cet ouvrage ne me laissera pas indifférent. Elle aura une influence dans presque toutes mes prochaines recherches, doctorales ou non, m’ayant permis de me rendre compte que l’esprit d’honneur qui anime le Comorien en général, le Grand-comorien en particulier n’aide pas le développement. La publication en 2006 de mon premier ouvrage, Honneur ou Bonheur ?, alors toujours étudiant à l’UCAD sous l’encadrement de « Pa Ly », a permis à ce dernier de se rendre compte que j’étais très attentif à ses discours. Faut-il préciser qu’en 2005, « Pa Ly » m’a fait l’honneur de participer en tant qu’ami à la soutenance publique de mon Mémoire de Maitrise ?
Il y a deux ans, mon profil sur ma page Facebook porte une photo prise avec le Professeur Boubakar LY en guise de reconnaissance de celui qui m’appelait passionnément « apprenti sociologue ». Tous les camarades de classes avaient remarqué que j’étais son préféré, peut-être parce que j’étais celui venant de loin.
En 2016, alors Directeur de cabinet du premier vice-président de l’Union des Comores, j’ai pu lui rendre visite à domicile. Et ma surprise fut grande quand Professeur Boubakar LY a pris le temps de me signifier que ce n’est pas une bonne chose d’occuper un tel poste. Pour lui, je dois chercher ma place ailleurs. Un autre sociologue, Professeur Moustapha TAMBA, me dira la même chose presque deux ans après.
De « la morale de l’honneur dans les sociétés wolof et halpulaar traditionnelles » à « l’exercice du métier d’instituteur » en passant par « la condition d’enseignant et la vie sociale », la formation au métier d’instituteur », « l’école et les instituteurs », le Sociologue a pu s’imposer comme homme de science et sociologue engagé.