Flambée et banalisation de l’homosexualité aux Comores : Un regard sur l’évolution des perceptions sociales

Incapable d’affronter les homosexuels, je ne suis pas en train de les juger ni de faire une appréciation. Qui suis-je pour les juger ? Je ne fais que relater un fait social.             En effet, l’homosexualité, longtemps perçue comme un tabou dans les sociétés comoriennes, suscite aujourd’hui des débats et des interrogations. Les années 1980 à aujourd’hui ont vu une évolution dans les perceptions, parfois marquée par une plus grande visibilité, mais aussi une banalisation qui soulève des questions sur les normes et les valeurs sociales des Comores.

1. La période pré-1990 : La crainte de l’homosexualité

Dans les années 1980, les préoccupations concernant l’homosexualité étaient largement marquées par la peur. À l’époque, l’idée que les jeunes, surtout ceux en situation de vulnérabilité, puissent être attirés ou agressés par des individus homosexuels était un sujet de préoccupation majeur. Un exemple frappant est celui de mon grand frère, affecté à Moroni en 1989. Il avait tout mis en œuvre pour m’emmener avec lui, modifiant même mon nom de famille pour me considérer comme son fils, dans le but de m’éloigner d’un environnement familial trop étouffant. Cependant, mon père était particulièrement réticent, craignant que, dans la capitale, je sois exposé à des agressions sexuelles. À Moroni, on m’avait conseillé d’éviter un homme dans la cinquantaine, réputé pour ses tendances homosexuelles. À cette époque, dans la capitale, la société n’avait encore que peu de contacts ou de connaissances sur le sujet, avec un seul « suspect » identifié, ce qui laisse entendre que l’homosexualité était plutôt rare et marginalisée.

2. Les années 90 : Une homosexualité perçue comme un luxe

À la fin des années 1990, l’homosexualité est encore perçue par la société comme une étrangeté, voire un luxe réservé à une minorité. Lorsque je fréquentais le lycée de Mitsamiouli, des amis de ma ville me conseillaient d’éviter certains jeunes réputés pour leur comportement homosexuel. J’ai choisi de les fréquenter malgré leurs avertissements, et je n’ai jamais été confronté à des tentatives de leur part. Toutefois, dans cette période, l’homosexualité restait perçue comme une conduite atypique et était souvent associée à des stéréotypes négatifs, comme l’idée qu’un jeune s’habillant à la mode ou possédant un véhicule de manière soudaine aurait, selon les gens un ‘tuteur homosexuel’. Cette vision de l’homosexualité comme un phénomène à la fois marginal et mystérieux commençait à prendre racine, mais elle restait encore largement stigmatisée.

3. L’évolution des mentalités : 2015 et au-delà

La découverte de l’homosexualité entre femmes a été un autre moment clé dans mon parcours. En 2015, lors d’un voyage avec des amies, l’une d’elles m’a averti qu’il ne fallait pas draguer une autre amie car cette dernière était sa maîtresse. Ce fut la première fois que j’ai pris conscience que des femmes aux Comores pouvaient avoir des relations amoureuses entre elles. C’était un sujet rarement abordé, voire nié publiquement, mais il montrait que, sous la surface, les normes sociales commençaient à se diversifier et à évoluer.

4. L’homosexualité en 2023 : Une banalisation inquiétante ?

En 2023, les choses ont encore changé. Une amie proche m’a raconté qu’un homme instruit et civilisé avait divorcé après avoir découvert que sa femme avait une liaison avec une autre femme. Selon elle, c’était ridicule qu’un homme moderne et éduqué divorce pour une telle raison, car l’homosexualité est devenue un phénomène presque banal. La banalisation de l’homosexualité s’est accélérée avec l’émergence des réseaux sociaux, où les accusations d’homosexualité sont fréquentes et où certains comoriens sont régulièrement pris pour cible. De nos jours, des personnes sont parfois qualifiées d’homosexuelles simplement en raison de leurs comportements perçus comme différents ou non conformes aux normes traditionnelles.

Très récemment, j’ai regardé une vidéo qui tourne dans les réseaux, dans laquelle des mères comoriennes dansaient en toute fierté avec un jeune comorien homosexuel, qui a fini par se déclarer femme. Il y a dix ans, ces mêmes mères se seraient mises à pleurer plutôt que de danser. L’homosexualité, longtemps réprimée ou ignorée aux Comores, fait aujourd’hui face à une ambiguïté croissante dans les mentalités. Si la société semble plus tolérante ou curieuse, il existe encore une forte pression pour maintenir les normes traditionnelles. L’acceptation ou le rejet de l’homosexualité demeure une question délicate, où la flambée de la visibilité des relations homosexuelles peut aussi signifier une banalisation qui pourrait être perçue comme une menace pour les valeurs sociales et culturelles établies.

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