Et si on cessait d’enterrer nos morts dans la précipitation ?

Aux Comores, la pratique de l’enterrement des morts est souvent réalisée dans une hâte inquiétante. Il n’est pas rare qu’une personne décédée à 15h00 soit enterrée seulement trente minutes après, sous prétexte que la tradition musulmane recommande une rapide mise en terre. Cependant, cette précipitation soulève une question importante : que risquons-nous en agissant ainsi ?

Le Prophète Muhammad (PSL) lui-même n’a pas été enterré dans la précipitation. En effet, ses compagnons ont mis 48 heures avant de parvenir à un consensus sur des questions cruciales, telles que la préparation de son corps, la personne devant diriger la prière mortuaire et, plus délicat encore, la succession à la tête de la communauté musulmane. Cet exemple montre qu’il est possible, même dans des moments de grande douleur et de confusion, de prendre son temps pour agir avec réflexion et respect.

Mais aux Comores, cette tradition d’enterrement rapide peut avoir des conséquences dramatiques. La médecine n’est pas toujours assez avancée pour garantir que les personnes déclarées mortes le sont réellement. L’histoire regorge de cas de personnes, pourtant jugées décédées, qui ont montré des signes de vie au moment de leur toilette funéraire. À l’échelle de ma ville, bien modeste en termes de population, je connais personnellement deux personnes qui, après avoir été déclarées mortes, ont donné des signes de vie pendant les préparatifs funéraires. L’une d’elles a été surnommée “le revenant”, et l’autre “l’immortel”, car, d’une manière ou d’une autre, elles ont échappé à la fatalité de leur enterrement prématuré.

Je n’oublierai jamais le jour où j’ai perdu un ami, à l’âge de 37 ans. Il est décédé à 15h20 d’un dimanche de 2019 et a été enterré moins d’une heure après. Le lendemain, son unique fils, inquiet à cause d’un cauchemar, a demandé à ses amis d’aller vérifier la tombe de son père. Il avait rêvé que son père était encore vivant et appelait à l’aide. Qui sait si cet enfant avait raison ? Si seulement nous avions pris le temps de mieux observer et d’être plus vigilants avant d’enterrer ce cher ami, peut-être l’aurions-nous sauvé.

C’est pourquoi je me fais un devoir de demander à mes proches de ne pas m’enterrer avant 24 heures si je suis déclaré mort. Ce délai d’observation supplémentaire pourrait sauver des vies et permettre de faire une distinction entre une mort véritable et une fausse alerte. Nous devons sensibiliser la population comorienne à cette question cruciale et leur rappeler que la précipitation n’est pas toujours synonyme de respect. Il est essentiel de prendre le temps de bien vérifier avant de dire adieu à un proche.

Les Comores, comme beaucoup d’autres pays, sont confrontées à des défis liés à la modernisation des pratiques funéraires. Nous devons trouver un équilibre entre tradition et science, afin d’éviter les erreurs irréversibles. Ce n’est pas une question de manquer de respect à nos traditions, mais plutôt de nous rappeler qu’il est essentiel de garantir que la personne est vraiment partie avant de la mettre en terre. La vie et la mort, en fin de compte, sont des processus qui méritent toute notre attention et notre réflexion.

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